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    France Inter, ce matin. Bernard Guetta commente le voyage de Hollande en Egypte. Bien, le discours sur la démocratie et les droits de l'homme, enprésence du maréchal Sissi et des médias, démocratie qui n'est pas une contrainte, mais une arme dans la lutte contre le terrorisme. Sauf que, selon Bernard Guetta, le régime Sissi, au lieu d'être soutenu en lui vendant des armes, comme le fait Hollande, doit être combattu, puisque c'est une dictature militaire, qui justifie, justement, les insurrections terroristes.

     

    Et Bernard Guetta de refaire l'Histoire : le président Morsi, Frère Musulman, mais pas terroriste, qui avait été démocratiquement élu, a été renversé par l'armée et non par le peuple. Il aurait fallu qu'il soit renversé aux élections suivantes, et ill'aurait assurément été, puisqu'il s'était montré incapable de gouverner. Soutenir Sissi, c'est donc pareil que souteir Assad en Syrie, deux dictatures qui donnent malheureuselent raison aux terroristes qui apparaissent comme la seule force d'opposition.

     

    Le problème, avec ce genre de raisonnement, c'est qu'il fait abstraction de la réalité. Sissi, qu'on l'aime ou pas, est là et bien là ! Et il faut faire avec. Assad a été contesté au début par des manifestations pacifiques que Hollande avait soutenu à l'époque, appelant les Eats-Unis à les aider à chasser Assad, sans être suivi par Obama. Sissi ne fait pas l'objet d'une contestatin démocratique, quelle qu'en soit la raison, qui en est évidemment en grande partie la répression féroce des opposants.

     

    Hollande, en fait, concilie toujours valeurs socialistes et réalisme politique. Eviemment, on peut toujour regretter que ce ne soit pas "mieux". Ce serait mieux si Morsi avait été chassé du pouvoir par la démocratie, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. La réalité, c'est le passé, ce qui s'est déjà produit et qu'on ne peut refaire, sauf en rêve, comme Bernard Guetta et la plupart des critiques de Hollande. Hollande qui lui, prend les choses comme elles sont pour tenter de les améliorer, et non de les rêver autrement qu'elles ne sont.

     

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  • Voici un texte que j'ai écrit lors de la campagne de 2012. Je n'y changerais pas grand-chose aujourd'hui !


    François Hollande joue une partie difficile. D'un côté, il veut incarner l'espoir traditionnel des électeurs de gauche et des classes populaires : plus d'égalité, plus de libertés, plus de fraternité. D'un autre côté, il veut ne pas effrayer les électeurs de droite qui veulent plus de sécurité, plus de privilèges, plus d'argent. Le risque est évidemment de décevoir tout le monde. Certains se rangent alors derrière des candidats plus radicaux dont ils espèrent ne pas être déçus, Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly pour la gauche, Marine Le Pen pour la droite. Ceux-là se fichent de se concilier les voix de l'autre camp, ils prétendent appliquer intégralement et sans concession le programme dont ils savent qu'il séduit leurs électeurs. Alors, intégrisme ou compromis ?

    1- Le souhaitable
    Liberté, égalité, fraternité, c'est non seulement la devise de la République, c'est aussi ce qui paraît le plus souhaitable au plus grand nombre de Français. Evidemment, il y a des désaccords dès qu'il s'agit de définir un contenu précis, de prendre position sur un point particulier, mais, dans l'ensemble, presque tout le monde est d'accord, à part à l'extrême droite et dans certains milieux très religieux. Lorsqu'il y a divergence d'opinions, c'est la règle de la démocratie, on se rallie à l'intérêt général. Les banques sont bien gentilles, vive la liberté d'entreprendre et de gagner de l'argent, mais non aux abus et à la spéculation ! Elles doivent se soumettre à l'intérêt général ! Les grèvistes ont le droit de revendiquer des améliorations de salaires, mais non aux abus et à la prise d'otages des usagers ! Ils doivent se soumettre à l'intérêt général ! Les laboratoires pharmaceutiques et autres fabricants de prothèses ont le droit de fabriquer ce qu'ils veulent comme ils le veulent, mais non aux abus et à la mise en danger de la vie d 'autrui ! Ils doivent se soumettre à l'intérêt général ! Les patrons ont le droit de vouloir augmenter les profits de leurs actionnaires, mais non aux abus et aux licenciements non justifiés ! Ils doivent se soumettre à l'intérêt général !

    On rêve ainsi d'une société où chacun serait maintenu dans le droit chemin de l'intérêt général. Il faudrait un gouvernement soucieux de ce seul intérêt général et garant de son respect absolu. Un gouvernement honnête, égalitaire, à la fois libertaire et autoritaire ! Il devrait évidemment, ce gouvernement, mater ceux qui s'opposeraient à l'intérêt général, avoir les moyens et la volonté de les remettre dans le droit chemin.

    2- La réalité
    Plusieurs fois dans l'histoire, les peuples, en France et ailleurs, ont porté au pouvoir de tels gouvernements, des gouvernements composés d'hommes (rarement de femmes ...) idéalistes, honnêtes, convaincus, sans compromission. En 1789, les sans-culottes ont porté au pouvoir un gouvernement qui voulait sincèrement améliorer le sort du peuple et a, en effet, aboli les privilèges du clergé et de la noblesse, établi la liberté de culte et la liberté d'expression, établi plus d'égalité devant l'impôt, etc. Mais, quelques années plus tard, contraint de lutter contre les oppositions, un autre gouvernement s'est substitué au premier, celui de la Terreur, puis celui de Napoléon Bonaparte. La Révoluton libertaire a accouché d'un régime autoritaire ! En Russie, les révolutionnaires ont chassé le Tsar, sa police oppressive, ses nobles parasites et méprisants, etc. Puis, les tsars rouges, Lénine, Staline et leurs successeurs, prisonnieres d'une caste de bureaucrates profitant du système, ont instauré un nouveau régime autoritaire et exploitant les masses. L'histoire est connue. Les révolutions apportent de grands progrès immédiats, qui souvent perdurent et sont un acquis définitif, et ensuite, en butte aux réactions violentes des classes privilégiées, doivent constituer des régimes militaristes, autoritaires et inégalitaires. Le contraire de ce pour quoi les peuples les avaient faites, ces révolutions !

    3- Le possible
    On se souvient du slogan de Mai 68 : "Soyez réalistes, demandez l'impossible !". Il contient une part de vérité, c'est que l'excès de prudence conduit souvent à réduire tellement ses exigences, que celles-ci se vident de tout contenu et se résument à des rêves vagues, sans réalité. Il faut oser. Mais l'impossible, c'est aussi de réduire à rien l'opposition. On aura beau toujours scrupuleusement mettre en avant l'intérêt général, on ne fera pas taire les intérêts particuliers pour autant, ni ceux qui ont une autre conception de l'intérêt général. Il faut donc penser le possible. Je crois que c'est la méthode de François Hollande. Regardez ce qu'il a répondu à propos du nucléaire. D'un côté, les écologistes voulaient imposer l'adoption du voeu de "sortir du nucléaire", c'est-à-dire de se passer complètement de l'énergie nucléaire. De l'autre, les industriels et les ouvriers du nucléaire voulaient évidemment que l'on maintienne la forte production d'énergie nucléaire. Le compromis bête aurait été de dire : "on va couper la poire en deux" : réduire un peu le nucléaire, mais en faire encore beaucoup ! C'était l'assurance de décevoir tout le monde ! Hollande a eu, il me semble une autre démarche : 1/ reconnaître que le souhaitable était de ne plus s'exposer au risque des accidents nucléaires ; 2/ évaluer ce qu'il est possible, raisonnablement, de faire en cinq ans (durée de la législature et du mandat présidentiel : inutile de rêver au-delà) ; à partir de là, le chemin se trace de lui-même : on réduit autant qu'il est possible, sachant que conserver le nucléaire en le sécurisant coûtera très cher et que le réduire en fermant des centrales coûtera également très cher ! Inutile de chercher des divergences artificielles sur l'impossible, rejoignons-nous sur le possible !

    La France, après la révolte populaire de la Commune, a construit un régime parlementaire que tout le monde critique et renierait aujourd'hui, la Troisième République. Régime de partis, de compromis, voire de compromissions et de scandales, mais régime où les politiciens honnêtes cherchaient toujours la voie du possible. Elle a quand même duré presque 70 ans, survécu à la Première Guere mondiale, à plusieurs scandales politiques, à des émeutes fascistes, et nous a donné les lois sur la liberté de la presse, sur l'éducation obligatoire, sur l'école publique laïque et gratuite, sur la séparation des églises et de l' Etat, sur la durée du travail, sur les congés payés, etc., qui constituent le socle de la République à laquelle la majorité des Français, gauche et droite confondues, sont attachés. Alors, la voie du possible, évidemment, ça fait moins rêver que les grandes déclarations tonitruantes, mais je trouve que ce n'est pas si mal que ça !

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    En même temps que Robert Badinter présente le rapport de sa commission sur le Code du travail, les agriculteurs, principalement les éleveurs de vaches, de porcs et de canards, et les chauffeurs de taxi protestent contre leur situation. Ils ne demandent pas d'aide, ils demandent une rémunération décente de leur travail. Les taxis ont emprunté pour acheter leur licence, les agriculteurs ont emprunté pour acheter leur matériel, moderniser leur installation, les taxis doivent payer leurs charges, les frais de leur véhicule, les agriculteurs doivent payer la nourriture des bêtes, les assurances, les loyers. Les uns comme les autres, à la fin du compte, ont plus de charges que de recettes. Pas besoin d'être expert comptable ou spécialiste des finances pour comprendre qu'ils ne peuvent vivre ni survivre dans ces conditions.

     

    Dans son rapport, qui fixe les « principes essentiels du droit du travail », Robert Badinter énonce notamment : « Tout salarié a droit à une rémunération lui assurant des conditions de vie dignes » et « un salaire minimum est fixé par la loi ». Au passage, ce droit était déjà énoncé dans la Déclaration des droits de l'Homme (article 28 : « Hommes et femmes ont droit à une juste rémunération selon la qualité et la quantité de leur travail, en tout cas, aux ressources nécessaires pour vivre dignement, eux et leur famille. »). La Déclaration des droit de l'Homme va donc plus loin que le rapport Badinter, puisqu'elle n'est pas limitée au travail salarié, et que ce droit à une vie digne est étendu à la famille du travailleur. Prétendre que taxis et agriculteurs sont des entrepreneurs libres et non des salariés, et ne relèvent donc pas du droit du travail, est à la fois inexact car la plupart sont dans une situation de subordination de fait (aux coopératives, aux banques, …) et inégalitaire car on ne voit pas pourquoi un droit reconnu dans la Déclaration des droits de l'Homme ne s'appliquerait qu'à une catégorie particulière de travailleurs, les salariés. Le droit du travail, il me semble, devrait être le droit de tous ceux qui travaillent.

     

    J'ignore quelle est la bonne solution économique de la situation des taxis et des agriculteurs, entre la compétition économique, qui les condamne, et le bien public, auquel ils contribuent indiscutablement, mais il me semble qu'ils sont, de toute façon qu'on prenne le problème, victime d'un déni de droit, celui de vivre dignement de son travail.

    Bonnes vacances, si vous partez !

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  • Google et nous

     

    Voila quelque temps que je suis anti-Googlien. Un article de Charles Cuvelliez, dans Le Monde du 28 janvier dernier me conforte dans cette position. Il y rapporte une étude américaine selon laquelle le rang dans les citations du moteur de recherche de Google influence le choix des électeurs, du moins de ceux qui n'ont pas un choix politique préalable bien fixé. L'étude porte sur des résultats d'enquête aux Etats-Unis, et sur une expérimentation avec groupe témoin lors des dernières élections en Inde. Narenda Mori, le vainqueur surprise des élections, avait dominé le classement Google avec une présence de 25% supérieure à celle de ses concurrents.

     

    Deux faits sont indiscutables : 1/ sur n'importe quelle liste, le premier et le dernier ont toujours plus de chances d'être mémorisés que les autres items ; 2/ Google ordonne les résultats du moteur de recherche en fonction du nombre de clics qu'il y a eu sur chacun d'entre eux. Autrement dit, la « popularité » d'un item est cumulative, fait boule de neige. Google oriente donc vers ce qui est déjà connu, vers ce qui est majoritaire. C'est un facteur de conformisme social.

     

    Charles Cuvellier nous prévient : « Google n'est pas un média comme les autres. L'accès des candidats aux médias lors d'élections est transparent et mesurable: nous pouvons nous rendre compte que tel ou tel est plus favorisé à l'antenne. Et si Fox News provoque un biais, il n'y a heureusement pas que Fox News comme chaîne de télévision. En revanche, combien d'entre nous, en Europe, utilisent un autre outil de recherche que Google? Comment se rendre compte qu'un tel outil fait apparaître d'abord un candidat plutôt qu'un autre si on ne peut le comparer avec un autre? Pis, alors que les auteurs de l'étude ont fait comprendre indirectement par des allusions et des questions aux participants que le rang pouvait influencer leur choix, cela n'a pas altéré leur jugement et leur préférence, qui sont restés liés au classement. »

     

    Sans parler de manipulation volontaire de la part du géant de l'informatique, comment ne pas s'inquiéter de l'uniformisation de la pensée qu'il favorise donc inévitablement ?

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  • Le débat sur la déchéance de nationalité montre que le débat public et intellectuel, en France, a bien baissé : tout n'est que confusion et simulation. J'essaie d'y voir clair.

     

    Christiane Taubira, selon son personnage, a tenté de relever le niveau. Hélas, je crains qu'elle se soit trompée de sujet ! Dans son livre, elle s'indigne. C'est son droit, mais de quoi s'indigne-t-elle ? D'une mesure qu'elle juge à la fois « inefficace » et porteuse d'un mauvais symbole, par la « menace » qu'elle fait planer sur les binationaux. Une menace inefficace est-elle encore une menace ? Une menaçante ne prouve-t-elle pas son efficacité ? A vouloir trop prouver, Christiane Taubira prouve qu'elle ne craint pas de se contredire. Il reste qu'elle pose le problème au niveau du symbole.

     

    Voyons donc la question à ces deux niveaux, celui de la symbolique et celui de l'efficacité antiterroriste.

     

    Au niveau des symboles, deux positions contraires sont apparues : pour les uns, la mesure est insuffisante, il faudrait carrément fusiller les terroristes, pour haute trahison (idée rapportée dans une section du PS...) ; pour les autres, nous voilà revenus à un débat qui semblait clos, celui de l'identité nationale ; déchoir quelqu'un de sa nationalité serait lui retirer son identité même, une sorte de crime contre l'humanité, en tout cas une atteinte à un droit fondamental. Ceux-là pencheraient plutôt pour l'indignité nationale, mesure, elle, symbolique s'il en est une.

     

    Une troisième position, enfin, se fait jour, et c'est à peu près celle qui sera finalement proposée par le gouvernement : la déchéance pour tous. En effet, dans le symbole, ce qui choquait surtout, c'était de distinguer deux sortes de français, les binationaux et les autres. C'est d'ailleurs ce que Christiane Taubira avait relevé en premier, en reprochant au projet de créer un symbole qui divise alors que les symboles de la République doivent rassembler. Cette position, la déchéance pour tous, présente l'avantage de traiter tout le monde de la même façon, mais l'inconvénient de risquer de rendre apatride ceux qui ne sont que français. Une convention internationale, signée par la France, interdirait de créer des apatrides. Je n'en suis pas sûr, car il me semble qu'elle stipule que « nul ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité ». Si la déchéance de nationalité n'est pas une décision administrative, mais qu'elle est prononcée par un juge lors d'un jugement équitable, elle n'est plus arbitraire.

     

    L'autre niveau de la question est celui des conséquences pratiques.

     

    On a essentiellement mentionné l'effet dissuasif, qui serait à peu près nul. On imagine, en effet, que quelqu'un qui veut commettre un attentat se moque, au moment de passer à l'action, de sa nationalité, qu'il l'a même probablement déjà reniée dans ton cœur. Quant au malaise que ressentirait les binationaux en général, qui créerait une fracture dans la société, il n'est pas du tout certain. « Moi, je ne me sens pas ciblé par cette mesure, je n'ai pas l'intention de commettre un acte terroriste », disait un binational consulté sur la question. En fait, on est encore dans le psychologique et le symbolique. Sur le plan purement juridique et administratif, la déchéance de nationalité aurait d'autres conséquences :

     

    • retrait du passeport et de la carte nationale d'identité

    • d'où difficultés pour voyager à l'étranger, non seulement dans l'espace Schengen, mais vers de nombreux pays avec lesquels la France a des accords simplifiant les formalités

    • Impossibilité de conférer la nationalité française à son époux(se) par mariage

    • suppression de l'obligation d'assistance et de protection par les ambassades françaises à l'étranger

    • possibilité d'expulser et d'extrader les personnes déchues de la nationalité

     

    Cette mesure ne serait donc pas si neutre que ça sur le plan de la lutte policière contre le terrorisme. Il ne faut certes pas en attendre des miracles, mais la présenter comme seulement symbolique et inefficace, voire comme un chiffon rouge destiné à détourner l'attention, de l'enfumage, comme le disent certains à droite, est une méprise.

     

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