•  

    En même temps que Robert Badinter présente le rapport de sa commission sur le Code du travail, les agriculteurs, principalement les éleveurs de vaches, de porcs et de canards, et les chauffeurs de taxi protestent contre leur situation. Ils ne demandent pas d'aide, ils demandent une rémunération décente de leur travail. Les taxis ont emprunté pour acheter leur licence, les agriculteurs ont emprunté pour acheter leur matériel, moderniser leur installation, les taxis doivent payer leurs charges, les frais de leur véhicule, les agriculteurs doivent payer la nourriture des bêtes, les assurances, les loyers. Les uns comme les autres, à la fin du compte, ont plus de charges que de recettes. Pas besoin d'être expert comptable ou spécialiste des finances pour comprendre qu'ils ne peuvent vivre ni survivre dans ces conditions.

     

    Dans son rapport, qui fixe les « principes essentiels du droit du travail », Robert Badinter énonce notamment : « Tout salarié a droit à une rémunération lui assurant des conditions de vie dignes » et « un salaire minimum est fixé par la loi ». Au passage, ce droit était déjà énoncé dans la Déclaration des droits de l'Homme (article 28 : « Hommes et femmes ont droit à une juste rémunération selon la qualité et la quantité de leur travail, en tout cas, aux ressources nécessaires pour vivre dignement, eux et leur famille. »). La Déclaration des droit de l'Homme va donc plus loin que le rapport Badinter, puisqu'elle n'est pas limitée au travail salarié, et que ce droit à une vie digne est étendu à la famille du travailleur. Prétendre que taxis et agriculteurs sont des entrepreneurs libres et non des salariés, et ne relèvent donc pas du droit du travail, est à la fois inexact car la plupart sont dans une situation de subordination de fait (aux coopératives, aux banques, …) et inégalitaire car on ne voit pas pourquoi un droit reconnu dans la Déclaration des droits de l'Homme ne s'appliquerait qu'à une catégorie particulière de travailleurs, les salariés. Le droit du travail, il me semble, devrait être le droit de tous ceux qui travaillent.

     

    J'ignore quelle est la bonne solution économique de la situation des taxis et des agriculteurs, entre la compétition économique, qui les condamne, et le bien public, auquel ils contribuent indiscutablement, mais il me semble qu'ils sont, de toute façon qu'on prenne le problème, victime d'un déni de droit, celui de vivre dignement de son travail.

    Bonnes vacances, si vous partez !

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  • Google et nous

     

    Voila quelque temps que je suis anti-Googlien. Un article de Charles Cuvelliez, dans Le Monde du 28 janvier dernier me conforte dans cette position. Il y rapporte une étude américaine selon laquelle le rang dans les citations du moteur de recherche de Google influence le choix des électeurs, du moins de ceux qui n'ont pas un choix politique préalable bien fixé. L'étude porte sur des résultats d'enquête aux Etats-Unis, et sur une expérimentation avec groupe témoin lors des dernières élections en Inde. Narenda Mori, le vainqueur surprise des élections, avait dominé le classement Google avec une présence de 25% supérieure à celle de ses concurrents.

     

    Deux faits sont indiscutables : 1/ sur n'importe quelle liste, le premier et le dernier ont toujours plus de chances d'être mémorisés que les autres items ; 2/ Google ordonne les résultats du moteur de recherche en fonction du nombre de clics qu'il y a eu sur chacun d'entre eux. Autrement dit, la « popularité » d'un item est cumulative, fait boule de neige. Google oriente donc vers ce qui est déjà connu, vers ce qui est majoritaire. C'est un facteur de conformisme social.

     

    Charles Cuvellier nous prévient : « Google n'est pas un média comme les autres. L'accès des candidats aux médias lors d'élections est transparent et mesurable: nous pouvons nous rendre compte que tel ou tel est plus favorisé à l'antenne. Et si Fox News provoque un biais, il n'y a heureusement pas que Fox News comme chaîne de télévision. En revanche, combien d'entre nous, en Europe, utilisent un autre outil de recherche que Google? Comment se rendre compte qu'un tel outil fait apparaître d'abord un candidat plutôt qu'un autre si on ne peut le comparer avec un autre? Pis, alors que les auteurs de l'étude ont fait comprendre indirectement par des allusions et des questions aux participants que le rang pouvait influencer leur choix, cela n'a pas altéré leur jugement et leur préférence, qui sont restés liés au classement. »

     

    Sans parler de manipulation volontaire de la part du géant de l'informatique, comment ne pas s'inquiéter de l'uniformisation de la pensée qu'il favorise donc inévitablement ?

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  • Le débat sur la déchéance de nationalité montre que le débat public et intellectuel, en France, a bien baissé : tout n'est que confusion et simulation. J'essaie d'y voir clair.

     

    Christiane Taubira, selon son personnage, a tenté de relever le niveau. Hélas, je crains qu'elle se soit trompée de sujet ! Dans son livre, elle s'indigne. C'est son droit, mais de quoi s'indigne-t-elle ? D'une mesure qu'elle juge à la fois « inefficace » et porteuse d'un mauvais symbole, par la « menace » qu'elle fait planer sur les binationaux. Une menace inefficace est-elle encore une menace ? Une menaçante ne prouve-t-elle pas son efficacité ? A vouloir trop prouver, Christiane Taubira prouve qu'elle ne craint pas de se contredire. Il reste qu'elle pose le problème au niveau du symbole.

     

    Voyons donc la question à ces deux niveaux, celui de la symbolique et celui de l'efficacité antiterroriste.

     

    Au niveau des symboles, deux positions contraires sont apparues : pour les uns, la mesure est insuffisante, il faudrait carrément fusiller les terroristes, pour haute trahison (idée rapportée dans une section du PS...) ; pour les autres, nous voilà revenus à un débat qui semblait clos, celui de l'identité nationale ; déchoir quelqu'un de sa nationalité serait lui retirer son identité même, une sorte de crime contre l'humanité, en tout cas une atteinte à un droit fondamental. Ceux-là pencheraient plutôt pour l'indignité nationale, mesure, elle, symbolique s'il en est une.

     

    Une troisième position, enfin, se fait jour, et c'est à peu près celle qui sera finalement proposée par le gouvernement : la déchéance pour tous. En effet, dans le symbole, ce qui choquait surtout, c'était de distinguer deux sortes de français, les binationaux et les autres. C'est d'ailleurs ce que Christiane Taubira avait relevé en premier, en reprochant au projet de créer un symbole qui divise alors que les symboles de la République doivent rassembler. Cette position, la déchéance pour tous, présente l'avantage de traiter tout le monde de la même façon, mais l'inconvénient de risquer de rendre apatride ceux qui ne sont que français. Une convention internationale, signée par la France, interdirait de créer des apatrides. Je n'en suis pas sûr, car il me semble qu'elle stipule que « nul ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité ». Si la déchéance de nationalité n'est pas une décision administrative, mais qu'elle est prononcée par un juge lors d'un jugement équitable, elle n'est plus arbitraire.

     

    L'autre niveau de la question est celui des conséquences pratiques.

     

    On a essentiellement mentionné l'effet dissuasif, qui serait à peu près nul. On imagine, en effet, que quelqu'un qui veut commettre un attentat se moque, au moment de passer à l'action, de sa nationalité, qu'il l'a même probablement déjà reniée dans ton cœur. Quant au malaise que ressentirait les binationaux en général, qui créerait une fracture dans la société, il n'est pas du tout certain. « Moi, je ne me sens pas ciblé par cette mesure, je n'ai pas l'intention de commettre un acte terroriste », disait un binational consulté sur la question. En fait, on est encore dans le psychologique et le symbolique. Sur le plan purement juridique et administratif, la déchéance de nationalité aurait d'autres conséquences :

     

    • retrait du passeport et de la carte nationale d'identité

    • d'où difficultés pour voyager à l'étranger, non seulement dans l'espace Schengen, mais vers de nombreux pays avec lesquels la France a des accords simplifiant les formalités

    • Impossibilité de conférer la nationalité française à son époux(se) par mariage

    • suppression de l'obligation d'assistance et de protection par les ambassades françaises à l'étranger

    • possibilité d'expulser et d'extrader les personnes déchues de la nationalité

     

    Cette mesure ne serait donc pas si neutre que ça sur le plan de la lutte policière contre le terrorisme. Il ne faut certes pas en attendre des miracles, mais la présenter comme seulement symbolique et inefficace, voire comme un chiffon rouge destiné à détourner l'attention, de l'enfumage, comme le disent certains à droite, est une méprise.

     

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  • Hollande s'est lié à la baisse du chômage, qui ne dépend pas essentiellement de l'Etat, mais des entreprises. Deux articles le montrent bien : l'un évoque le manque d'audace des entreprises, qui pensent leur stratégie seulement à court terme, et n'osent pas investir et se lancer dans des projets à moyen et long terme, l'autre cette idée qu'il faut allonger la durée du travail, que les Français ne travailleraient pas assez.

     

    En fait les entrepreneurs n'entreprennent pas assez ! Ce n'est pas moi qui le dis, mais Larry Fink, le PDG du fonds d'investissement BlackRock, le plus gros gestionnaire d'actifs du monde avec 4 600 milliards de dollars (oui, vous avez bien lu, ce n'est pas une faute de frappe!) M. Fink parle de « l'hystérie de la culture des résultats trimestriels, qui est en totale contradiction avec l'approche de long terme dont nous avons besoin ».

     

    L'autre nouvelle concerne la durée du travail. Nicolas Sarkozy, par exemple, dit et répète à l'envi, mais il n'est pas le seul, loin de là, qu'il faut « travailler plus », et donc favoriser les heures supplémentaires, etc. Les chiffres montrent que les Français travaillent autant que la moyenne des européens, environ 1 500 heures par an. Les Néerlandais, eux, travaillent en moyenne environ 1 300 heures. Les Pays-Bas se portent-ils plus mal que la France ? En 2014, la croissance y était de 1%, contre 0,2 en France et l'Union européenne (à 28), de 1,3 (Source INSEE). Le chômage est à 6,8% contre 10,1% en France. Le développement humain, les services publics, en revanche, profitent de la durée de travail plus courte.

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  • Merci de faire une halte sur ces pages ! J'appelle votre indulgence pour les fautes, les erreurs, les provocations qu'elles peuvent contenir. J'essaie seulement de vous faire part de quelques informations, quelques réflexions que me suggère l'actualité.

    La politique, ce n'est pas les querelles et les ambitions des uns et des autres, c'est la vie de la cité, c'est notre vie. C'est dans ce sens que j'emploie le mot ici. Je ne fais pas, pour autant, de l'angélisme. Querelles et ambitions existent, bien sûr ! Mais elles ne sont que la forme apparente des luttes des différents groupes sociaux pour faire prévaloir leurs intérêts et leurs espoirs.

    Amicalement à tous.

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